LE COMMERCE EXTERIEUR DU LIVRE EN 2020
Statistiques douanières
En synthèse
Le chiffre d’affaires Export[1] du livre français en 2020, qui s’élève à 602,5 M€, affiche un recul historique de -9,6% (- 64,3 M€) par rapport à celui de 2019 (666,8 M€), alors qu’il avait été plutôt stable sur la période 2017-2019.
Il s’agit là bien sûr, de l’impact de la crise sanitaire mondiale qui a provoqué des fermetures répétées et souvent de longue durée des librairies dans la plupart des pays du monde, ce qui a réduit en conséquence les achats faits à l’édition française.
Cette forte baisse de l’export contraste avec la relative bonne tenue de l’activité observée en France :
- Diminution de 4,5 % des ventes de livres en France métropolitaine par rapport à 2019, d’après le panel Livres Hebdo / Xerfi / I+C publié en janvier 2021, par rapport à une contraction du commerce dans son ensemble de 4%.
- Recul de 3,3% seulement, selon le panel de l'Observatoire de la librairie, géré par le SLF.
- Baisse du chiffre d’affaires livres de l’édition française à 2 606,6 M€, limitée à -2,2% par rapport à 2019.
La fréquentation exceptionnelle à la réouverture des librairies en France après les deux confinements (+32 % en juin et +35 % en décembre 2020) n’a pas connu d’équivalent à l’étranger.
Dans de nombreux pays, au contraire, l’attaque du virus s’est intensifiée au second semestre, provoquant confinements, fermetures des lieux de vente et aggravation de la chute du chiffre d’affaires.
L’Amérique latine a été particulièrement touchée .
La part du chiffre d’affaires Export par rapport au chiffre d’affaires de l’édition française[2], perd ainsi 1,5 point en passant de 18,8% en 2019 à 17,3% en 2020.
L’analyse menée à partir de la nomenclature des Douanes -qui distingue 4 catégories : livres, encyclopédies, feuillets (produits imprimés non reliés), et cartes / images / atlas- confirme le recul de la catégorie livres stricto sensu à -9,6%, tandis que les catégories encyclopédies et cartes / images enregistrent des baisses bien plus accentuées : respectivement -11,7 % et -32% par rapport à 2019.
S’agissant des données de 2019 (chiffres non publiés l’an dernier), il convient de noter qu’elles prennent en compte des retraitements significatifs à la suite des réponses obtenues de la part des Douanes françaises à nos questions sur des variations erratiques pour certaines destinations.
Pour d’autres pays, notamment européens, face à des hausses incompréhensibles des exportations, nos questions sont restées sans réponse et nous avons finalement retenu la moyenne arithmétique des années 2018 et 2020.
Les importations de livres (dont les livres français imprimés à l’étranger) ont aussi diminué en 2020, mais de manière plus modeste : -3,3 %, à 698,2 M€.
Les importations et fabrications en provenance d’Asie (y compris l’Inde) reculent de 3,4% à 79,8 M€.
Parmi les pays européens fournisseurs d’impressions délocalisées, seule l’Italie progresse avec une hausse de 3 % (impression des nouveaux manuels pour le lycée probablement), quand l’Espagne et la Slovaquie reculent respectivement de 12% et 14%.
Ainsi, le déficit commercial du Livre se creuse à 95,7 M€ par rapport à 8,6 M€ seulement en 2018.
Il reste toutefois modeste par rapport au déficit global de la balance commerciale française de 65,2 milliards d’euros en 2020 (0,15%).
Evolutions des principaux marchés à l’export
Zones francophones et non francophones :
Sur un marché de l’export en fort repli, les pays francophones du Nord ont été les plus impactés (Belgique : -15 M€ soit -8,8% ; Luxembourg : -0,6 M€ soit -8% ; Suisse : -13,8 M€ soit -13,3% ; Canada : -9,8 M€ soit -13%) et leur part de marché s‘est réduite de 53,5% à 52,7% du total.
Malgré la belle progression de l’Afrique francophone subsaharienne, la part de la Francophonie du Sud régresse également, de 9,6% du total de l’export en 2019 à 9,1% en 2020. La part des exportations vers les pays non francophones a baissé également de 29% à 28,4%. C’est l’Outre-mer, porté par les achats des nouveaux manuels de lycée qui accroit sa part de marché de 2 points (de 7,9% à 9,9%).
Détaillé par zones géographiques, le recul de 64,3 M€ du chiffre d’affaires export (-9,6%) peut s’expliquer par les quelques variations majeures suivantes :
- Le recul de chacun des 3 premiers pays clients de l’édition française à l’export, Belgique, Suisse et Canada -qui représentent traditionnellement plus de 50% de l’export total-, atteint -38,6 M€ (- 11%) et représente 60% du recul global. Il s’explique par la crise sanitaire mondiale qui a touché ces territoires et fermé les points de vente pendant plusieurs mois sur l’année 2020.
- Le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Italie ont également été touchés fortement par la crise sanitaire ; la baisse des importations françaises totalise - 5,8 M€ (-8,1%) pour ces 3 pays, ce qui représente 9% du recul total. Ils restent cependant respectivement aux premier, troisième et cinquième rangs des pays acheteurs non francophones.
- Marqué par une série de drames en 2020 (crise financière, crise sanitaire et explosion du port de Beyrouth), le Liban a réduit ses importations de livres français aux seuls besoins scolaires vitaux. II enregistre ainsi une baisse vertigineuse de ses achats de livres français : 6,8 M€ (-77%), passant ainsi de la 11ème place des pays importateurs en 2019 au 23ème rang en 2020.
Aucun signe de reprise en 2021 ne se laisse entrevoir.
- L’Amérique latine, violemment touchée par la pandémie mondiale, présente une baisse de 2,2 M€
(-34%), tendance emmenée par les deux premiers pays clients de la zone, le Mexique et le Brésil, dont les 2 principaux opérateurs, les chaînes Cultura et Saraïva, avaient été mis en redressement judiciaire dès 2019.
- Maghreb : les importations de cette zone ont globalement reculé de 24%, à 24,4 M€, avec des causes assez diverses selon chaque pays :
- Algérie : -3,5 M€ soit -45% ; il s’agit du recul le plus important après celui du Liban ; les importations algériennes ont été restreintes par toutes les mesures protectionnistes mises en place par l’Etat algérien (barrières douanières, contrôles administratifs et déclarations supplémentaires, paiements d’avance), plus fortement que par la pandémie mondiale. Les importations sont du niveau de celles de la Tunisie, pour des populations sans commune mesure (43,9 millions d’hab. en Algérie, 11,8 millions d’hab. en Tunisie)
- Maroc : -3,0 M€ soit -16% ; après près de 20 ans de hausses significatives, le repli est violent, a priori uniquement dû à la crise sanitaire, et non à des difficultés économiques ou à une remise en cause du français comme langue d’enseignement et de culture.
- Tunisie : - 1,2 M€ soit -21% ; le commerce du livre a été une victime facile de la crise sanitaire et des confinements, dans un pays déjà en proie à une récession économique et à des actes de terrorisme.
- L’Outre-mer (DROM & COM selon la typologie nouvelle) affiche, à l’inverse des autres zones géographiques, une progression significative de 6,9 M€ (+13,2%). Cette tendance s‘explique par les nouveaux programmes et nouveaux manuels du lycée publiés en 2019 et 2020. Les budgets ont peu été utilisés en 2019 première année de la réforme, ce qui a généré de nombreux achats de réassorts en 2020 venant s’ajouter aux achats des nouveautés de terminale.
- Fort rebond de l’Afrique francophone subsaharienne : progression de +4,6 M€ (+19,5%) par rapport à 2019. Si le sous-continent a plutôt été épargné par la pandémie mondiale jusqu’aux derniers mois de 2020, les importations ont surtout été portées par de nombreux marchés financés par les bailleurs de fonds internationaux. Il s’agit d’un total de 7 M€ de différents marchés, attribués à différents éditeurs scolaires français, dont les plus importants répertoriés par la Centrale de l’Edition concernent le Burkina-Faso, la Guinée, le Niger et la République centrafricaine.
Perspectives pour 2021
Le chiffre d’affaires Export cumulé au 30 avril 2021[3] affiche une hausse de 47,7% par rapport à la même période de 2020. La baisse du chiffre d’affaires à l’export, par rapport au 30 avril 2019, se limite à -1,9%.
Les quatre premiers mois de l’année ne sont traditionnellement pas significatifs de l’année en cours, les commandes importantes à l’export n’arrivant qu’à partir de courant mai. Pour autant, cette reprise est plutôt de bon augure, malgré la perte du marché libanais, et le fort repli du marché sud-américain.
Une reprise espérée des importations algériennes en réaction aux trois précédentes années d’assèchement de l’offre de livres français, pourrait aussi contribuer à une nette reprise des exportations françaises de livres en 2021.
Olivier ARISTIDE
La Centrale de l’Edition
Le 26 mai 2021
[1] Périmètre Export pour les douanes : Outre-Mer (DROM & COM) + Etranger
[2] Exprimé en CA net facturé par les distributeurs aux clients, hors cessions de droits.
[3] dont a connaissance la Centrale de l’Edition